Quels traitements et prises en charge proposés ?

Avec les sujets sans langage, le mode de communication est difficile à établir. Le langage parlé est toujours utilisé, car beaucoup de personnes polyhandicapées comprennent au moins une partie de ce qu'il leur est dit. On prête une attention spéciale à la parole directement adressée au sujet, aux intonations, aux gestes d'accompagnement, en sachant que la moindre réponse demande un long délai : l'interlocuteur pressé risque toujours d'avoir détourné son attention au moment où s'ébauche un signe qui pourrait montrer une compréhension et continuer l'échange.

Les codes imagés, les pictogrammes sont parfois utilisables, lorsque la personne a acquis une façon de signifier le oui et le non. Les codes symboliques comme le Bliss ne sont guère utilisables. On utilise le code GRACH (groupement de recherches pour l'apprentissage de la communication avec les handicapés), le code Valencay, le PIC (code pictogramme, arcadie diffusion, Lausanne). Différents systèmes de désignation par balayage d'images ou sur ordinateur, et les synthèses de paroles utilisées pour les IMC progressent régulièrement et peuvent trouver des applications avec les personnes polyhandicapées à condition que les soignants se forment à leur utilisation.

Ces dernières années sont apparues des méthodes faisant appel à des niveaux beaucoup plus archaïques de " communication basale " par les canaux du toucher, du mouvement conjoint et surtout de la respiration pour tenter d'entrer en contact avec les sujets les plus régressés (communication basale de W. Mann). Enfin le double handicap sensoriel demande une formation très particulière à la dactylologie, au guidage par le toucher et la kinesthésie.

Quel que soit le handicap et le mode de communication proposé il faut une attention individualisée et une cohérence entre les intervenants.

Les soins de la vie quotidienne

À côté des tentatives centrées sur un mode de communication organisé ou " codé " , il est certain que c'est à travers les soins journaliers que s'établit spontanément une relation entre la personne polyhandicapée et ses soignants. Ces soins ont une importance vitale.

L'alimentation est au premier plan. L'adaptation de la composition, de la texture, de la présentation, doit être individuellement réfléchie. L'installation du sujet, son degré de participation, les diverses méthodes d'aide à la fermeture de la bouche et à la déglutition, sont fondamentales. On doit faire manger le sujet assis, la tête en rectitude par rapport au tronc, en stimulant une légère flexion au moment de l'arrivée de la cuillère, en favorisant l'approche main bouche. Pour les liquides, utiliser un verre souple ou échancré, afin que la lèvre supérieure atteigne le liquide, aider à la fermeture de la bouche. L'usage de boissons gélifiées a représenté un progrès. En effet, l'hydratation pose un problème quotidien chez ces sujets non autonomes et l'apport de 1 litre à 1,5 litre par jour chez le grand enfant ou l'adulte est difficile à réaliser.

Malgré des précautions soigneuses, les fausses routes ne sont pas rares et retentissent à la longue sur la fonction respiratoire : elles sont en général peu bruyantes mais se répètent quotidiennement. Le refus alimentaire chez le sujet polyhandicapé est le plus souvent lié à l'angoisse d'étouffer.

C'est pourquoi on est parfois obligé de recourir à la pose d'une sonde gastrique, soit pour la totalité de l'alimentation, soit en complément des apports à la cuillère. Ce mode d'alimentation ne doit pas signifier une exclusion du groupe ou un apport purement mécanique. Même si l'usage d'une nutri-pompe est indispensable, il faut organiser la présence régulière de l'adulte et le maintien de quelques tentatives par voie buccale pour préserver le plaisir du goût. Ceci est valable aussi lorsqu'une gastrostomie (mise à la peau de l'estomac) aura paru indispensable, de façon transitoire parfois, ou plus prolongée.

Les problèmes d'hygiène quotidienne sont très importants. Il peuvent être l'occasion de moments privilégiés mais aussi de soins plutôt pénibles. Bain, petits soins de peau, massages, prévention d'escarres, soins des cheveux. Autant d'activités où toute la personne du soignant est engagée. L'hygiène bucco-dentaire se heurte a bien des difficultés mais devrait être réalisée matin et soir (brosse douce ou simple compresse, dentifrice liquide ou eau pure) chez ces sujets qui n'ont pas d'autonettoyage buccal et dont les médicaments peuvent déterminer des hypertrophies gingivales qui masquent souvent les caries. Les soins de prévention sont difficiles. Bien souvent on en vient à des soins radicaux sous anesthésie générale.

L'attention doit être portée aussi sur les éliminations. La constipation est très habituelle. Elle peut se masquer par une fausse diarrhée ou des éliminations fréquentes peu importantes. La survenue progressive d'un fécalome (bouchon de matières, souvent visible sur les radiographies de bassin) obligerait à des lavements ou à une extraction manuelle pénibles. Pour prévenir ces problèmes, l'hydratation avec un apport quotidien au minimum de 1,5 litre est essentielle. D'autres palliatifs : la diététique, le son, les pruneaux, etc., ou les médicaments, enfin les massages abdominaux sont utiles. L'élimination urinaire peut aussi être perturbée. On a montré la fréquence du résidu vésical, c'est-à-dire d'une évacuation incomplète de la vessie qui est source d'infections urinaires. Ainsi une multiplicité de difficultés diverses doivent être repérées à temps et soignées par des mesures de prévention assez simples.

Les thérapeutiques ?

Les progrès récents ont surtout concerné les handicaps secondaires et sont symptomatiques.

L'éducation motrice - La rééducation - L'orthopédie

Il y a deux grands axes à la prise en charge orthopédique des sujets polyhandicapés : la mobilité, les installations. Ces deux objectifs dont certains aspects peuvent être contradictoires entre eux, sont la base de la prévention fonctionnelle et orthopédique qui tente d'éviter les handicaps secondaires, les déformations corporelles et la restriction progressive des possibilités motrices.

  1. La mobilité
  2. Lorsque l'enfant est petit, les diverses méthodes d'éducation motrice sont entreprises par le kinésithérapeute, le psychomotricien, et relayées par la famille toutes les fois que cela est possible. Il s'agit en général de méthodes globales utilisant les niveaux d'évolution motrice (Le Métayer) ou les positions de relaxation (Bobath) et faisant appel à tous les moments de la vie quotidienne pour aider l'enfant à bouger et à trouver ses propres stratégies motrices à travers un guidage corporel et une stimulation ludique. Il peut aussi être nécessaire d'utiliser des postures ou des méthodes plus segmentaires lorsque l'enfant grandit. Une attention particulière doit être portée à l'éducation bucco-faciale lorsque existent des difficultés alimentaires, dans un objectif de soins et de prévention.

    Les progrès moteurs existent de façon habituelle et il est essentiel de préserver tout au long de la croissance la moindre possibilité motrice. Mais cela devient plus difficile au fur et à mesure que l'enfant grandit et devient plus lourd.

    Certains atteindront une marche spastique (raide), plus ou moins équilibrée, beaucoup auront des possibilités de déplacement autonome mais limité (marche incertaine ou fatigable, déplacement au sol); d'autres sont peu mobiles mais peuvent tenir debout aidés quelques instants. Ce point est essentiel pour l'habillage et les transferts. Certains enfin peuvent faire quelques pas aidés par l'adulte.

    Les possibilités manuelles varient de la même façon : préhension maladroite mais utilisable, possibilité d'utilisation des membres supérieurs dans les transferts, les appuis ou l'installation au fauteuil, ou aucune préhension (qu'il s'agisse de troubles neurologiques ou d'absence d'appétence motrice, ou de stéréotypies manuelles comme dans le syndrome de Rett). D'où l'importance pour chaque sujet d'une étude fonctionnelle simple mais répétée qui relève les possibilités et non seulement les manques.

  3. Installations
  4. Leur objectif est double :

    Le sens général que l'on essaie d'obtenir est la verticalisation, soit en position debout plus ou moins aidée, soit en position assise. Cette verticalisation améliore le fonctionnement digestif et tente de prévenir la raréfaction osseuse (car la structure osseuse ne peut se maintenir sans des pressions qui jouent sur le flux vasculaire qui arrive aux articulations). Elle joue aussi sur la direction du regard et donc sur le contact avec l'environnement). Les moyens sont divers : si une position debout active ne peut être obtenue, on utilise des appareils divers : tables de verticalisation, verticalisateurs fixes, appareils moulés pelvijambiers allant des jambes au bassin (en plâtre ou polypropylène), l'ancien appareil de Phelps étant de moins en moins prescrit.

    Le chaussage est très important (semelles moulées, ouverture prolongée sur le dessus du pied, bonne technique de chaussage).

    En position assise, il s'agit d'obtenir un équilibre du bassin et une abduction symétrique des cuisses pour permettre la croissance de l'articulation de la hanche, prévenir les luxations et les scolioses. On utilise diverses variétés de sièges moulés individuels, en plâtre ou en polypropylène avec ou sans appui-tête et avec différents artifices de maintien. Mais on conçoit que ces appareillages souvent très ajustés, même bien utilisés, restreignent la mobilité, ce qui amène à des temps différents dans la journée : installation alternant avec des temps de mobilité libre ou aidée.

    Les déformations rachidiennes (scoliose) se produisent surtout à partir de la poussée de croissance pubertaire et amènent à une contention par corset (le plus souvent bivalvé, très bien matelassé, dont il existe de nombreux types). Des précautions pour la mise du corset et la surveillance cutanée permettront la tolérance et éviteront les lésions d'appui.

    La chirurgie est parfois nécessaire pour prévenir les déformations : elle porte soit sur les parties molles (ténotomie, neurotomies) soit sur l'os: ostéotomies plus ou moins étendues, du fémur ou du bassin; arthrodèses au niveau des pieds; arthrodèses vertébrales lorsqu'on ne peut plus tenir la scoliose par un corset. C'est une chirurgie délicate et à risques qui nécessite une préparation soigneuse somatique et psychologique du sujet, une participation de la famille et des équipes éducatives, un suivi rigoureux des suites opératoires et du résultat par rapport aux indications proposées. Aucune intervention ne doit être envisagée sans une explication claire des objectifs poursuivis, des résultats espérés et des risques ainsi que des soins nécessaires dans les suites opératoires.

L'éducation adaptée

Les soins et la rééducation doivent s'inscrire dans un projet dont l'éducation générale de l'enfant est le centre et le moteur. Il s'agit d'abord d'évaluer à quel stade de développement l'on doit travailler. La référence à l'enfant normal jeune est évidemment logique mais assez souvent mise en défaut par les asynchronismes de développement liés au handicap.

L'enfant est amené à prendre progressivement une certaine conscience de son corps, de la verticalité, du rassemblement des membres supérieurs vers l'axe corporel puis à s'intéresser à l'objet, à sa permanence, à l'adulte présent dans le jeu d'échange. Si la préhension est possible, manger à la main, puis tenir une cuillère, associer deux objets, sont des étapes essentielles qui demandent souvent des mois. De même une certaine participation à l'habillage, à la toilette, la prise de conscience des rythmes et des diverses situations de la journée. Tout au long de ces efforts éducatifs, un mode de communication élémentaire se met en place qu'on tâche d'affiner, car l'acquisition de la réponse par oui ou non, de quelque manière que ce soit, ouvre l'accès à un code possible.

Diverses méthodes graduelles peuvent guider l'éducateur :

Enfin toutes les activités de groupe : musique, peinture, terre, pâtisserie, etc. et les activités d'extérieur comme la piscine ou l'équithérapie sont utilisées en fonction des possibilités de chacun. L'essentiel est qu'un projet soit établi pour chaque sujet et puisse, le cas échéant, être modifié suivant l'observation et les besoins présumés, suivant les possibilités locales, familiales ou institutionnelles.